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2025 - n° 7

APPEL à contributions

Bifurcations

numéro coordonné par Hugues PETITJEAN & Serge FINCK

ISSN 2968-0190

La thématique de ce numéro s’inscrit dans le sillage des travaux de PSInstitut sur le comportement des systèmes éloignés de leur équilibre. Il s’intéressera à ces situations dans lesquelles un système, évoluant à distance de son bassin d’attraction, présente un comportement non linéaire, chaotique, difficile à modéliser autant qu’à gérer. Plus précisément, il retiendra de façon privilégiée des contributions qui s’intéressent à ce moment de l’instabilité où le système est susceptible de bifurquer, soit pour revenir à l’équilibre antérieur, soit pour basculer vers des trajectoires qui le mènent à l’effondrement, ou à un nouvel état d’équilibre, où à une mutation, à des solutions émergentes, etc. Que ces situations concernent la chimie, les sciences du vivant, la psychologie, les sciences sociales, l’écologie, l’approche de ces moments de bifurcation, de rupture, de bascule permet d’explorer un moment des systèmes à la fois inquiétant et pourtant porteur d’opportunités.

Les situations éloignées de l’équilibre ont fait, en chimie et en biologie, l’objet des travaux de Grégoire Nicolis et Ilya Prigogine (1977) sur les structures dissipatives, qui ont montré que, dans certaines conditions, en s'éloignant de son point d'équilibre, le système ne va pas vers sa mort ou son éclatement mais vers la création d'un nouvel ordre, d'un nouvel état d'équilibre.

La réalité des systèmes est qu’ils ne connaissent pas nécessairement un seul état d’équilibre vers lequel ils tendraient par homéostasie, mais plusieurs états par lesquels ils peuvent passer et éventuellement revenir. Ce constat important, notamment en écosystémique, a conduit à la théorie des états stables alternatifs. Celle-ci a été initialement proposée par Richard C. Lewontin (1969), et plus largement développée par d’autres dont Crowford S. Holling (1973), à qui l’on attribue le modèle « ball and cup ». Un écosystème comme un lac peut rester stable indépendamment des contraintes de l’environnement (polluants, modifications climatiques…), mais dans certaines limites, qui dépendent de sa résistance ou de sa résilience. À partir d’un certain seuil de perturbation, l’écosystème bascule vers une autre organisation qui se présente comme un nouvel état stable. Le basculement d’un état à un autre se présente comme une crise, un moment d’instabilité, mais l’écosystème organise son homéostasie autour du nouvel état dans lequel il se trouve. Un même système peut donc présenter différents états stables, entre lesquels il passe par des chemins éventuellement différents, ou des états stables successifs en fonction de son expansion ou de son effondrement : c’est ainsi que l’on peut présenter la succession de stades de développement en psychologie ou le franchissement de certains seuils dans le développement des organisations (Braccini & al. 2023).

Hugues Petitjean & al. (2024) ont proposé d’utiliser le terme d’homéodynamique pour désigner ces effets de crises et de bascules. Les approches classiques en systémique mettent en effet l’accent sur l’homéostasie des systèmes (Cannon 1932), et de fait préférentiellement sur leur état à l’équilibre, qui permet la mesure. Or, l’observation conduit à relativiser la portée du concept d’homéo­stasie pour les systèmes dynamiques complexes. Les systèmes ont pour première fonction d’assurer leur propre cohésion, mais celle-ci ne se traduit pas spontanément par le maintien ou le retour de leurs caractéristiques autour de valeurs stables antérieures. Ils sont davantage portés par la logique de leur fonctionnement à une dynamique d’expansion, que la confrontation aux ressources limitées de leur environnement fait suivre par un processus d’effondrement. Cette alternance d’expansion et d’effondrement n’est pas nécessairement continue. Elle peut évoluer par paliers, chacun de ces paliers se présentant alors comme un état stable obéissant localement et provisoirement à ce que l’on peut considérer comme une homéostasie propre à cet état.

L’étude du comportement des systèmes loin de l’équilibre, voire sur le point de basculer d’un état dans un autre, ou de se transformer en un autre système, s’avère féconde en écologie et en biologie, mais également dans d’autres disciplines : en économie, en sciences sociales, en gestion des organisations, en psychologie du développement, en psychopathologie et en psychothérapie. Dans certaines situations, un sujet peut manifester, par de la sidération, de la détresse ou de l’angoisse, que son psychisme vient de quitter son état d’équilibre habituel : moment d’ébranlement de la structure qui peut le faire basculer vers la décompensation, aussi bien que signaler l’opportunité d’un changement positif.

La réflexion se portera également sur les méthodes permettant de décrire, voire de prédire, l’évolution des systèmes dynamiques complexes à l’approche d’une crête ente deux bassins d’attraction. Crowford S. Holling observe que peu de théories ont été formulées sur ces situations à distance de l’équilibre, ce qu’il attribue au fait que les modèles s’intéressent davantage aux situations stables, permettant la reproduction de l’observation, alors que, plus on s’éloigne de l’équilibre, plus il est difficile de modéliser. Il existe pourtant des tentatives de modélisation de ces effets de bascule, de discontinuité du comportement des systèmes. La théorie des catastrophes de René Thom (1972) en est un bon représentant en modélisation mathématique, duquel on pourra tirer des exemples d’applications. La théorie des catastrophes se présente comme une branche de la théorie des bifurcations, qui a pour objet d’étudier les situations dans lesquelles une faible variation dans les paramètres d’un système peut provoquer un changement important de son comportement.

La remarque de Holling plaide cependant aussi pour une révision de nos a priori sur les méthodes scientifiques : les méthodes quantitatives conduisent à privilégier l’étude des systèmes à l’équilibre et peuvent de ce fait entretenir un angle mort de l’observation, en écartant du champ scientifique l’étude des systèmes « réels », qui sont en fait changeants. Ce numéro visera à souligner l’intérêt des méthodes longitudinales, l’observation de cohortes, voire l’étude de cas individuels, qui suivent l’évolution d’un système sur la durée, pour montrer qu’un comportement non reproductible, dans ses va-et-vient qui ne suivent pas un même chemin, peut cependant révéler certaines régularités, dessinant les bassins d’attraction, visibles ou cachés, du système.

 

Références :

  • Braccini V., Capelli F. & Petitjean H. (2023), Naissance et développement des organisations, Préface à P. Schmoll, L’Entreprise Inconsciente, 1997, réédition à Strasbourg, Éditions de l’Ill, p. 9-24.

  • Cannon W.B. (1932), The Wisdom of the Body, New York, W.W. Norton & Co.

  • Holling C.S. (1973), Resilience and Stability of Ecological Systems, Annual Review of Ecology and Systematics, 4(1), p. 1-23.

  • Lewontin R.C. (1969), The Meaning of Stability, in G.M. Woodwell & H.G. Smith (eds), Diversity and Stability in Ecological Systems, Brookhaven National Laboratory Publication, 22, p. 13-23.

  • Nicolis G. & Prigogine I. (1977), Self-Organization in Non-Equilibrium Systems : From Dissipative Structures to Order Through Fluctuations, Hoboken NJ, Wiley.

  • Petitjean H., Finck S. & Schmoll P. (2024), Expansion et effondrement des systèmes : une discussion du concept d’homéostasie, Bulletin d’histoire et d’épistémologie des sciences de la vie, 31(1), p. 85-120. DOI : https://doi.org/10.3917/bhesv.311.0085.

  • Thom R. (1972), Stabilité structurelle et morphogénèse. Essai d’une théorie générale de modèles, New York NY, W.A. Benjamin.

 

Les propositions d’articles sont à envoyer à l’attention des Cahiers de systémique, à l’adresse psi@groupepsi.com, avec un résumé et des mots-clés en français et en anglais, avant le 15 mai 2025. Parution prévue à l’automne 2025.

Consignes de présentation

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2025 - n° 7

Bifurcations

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